Au registre des clichés sur le solaire, le sujet du recyclage tient lieu de parc d’attraction des fantasmes et de la désinformation. Il est temps de tout remettre à plat pour inspecter la filière, du panneau à l’onduleur jusqu’aux dernières batteries, en déboulonnant quelques clichés au passage.
Dégoupillez-vous donc un bol de compote ou servez-vous une limonade bien fraîche : on part pour une plongée dans le monde crucial du recyclage du matériel solaire.
Recyclage des panneaux solaires : quel impact environnemental ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettons nous de debunker quelques clichés sur nos bons vieux panneaux photovoltaïques.
Aucune terre rare dans un panneau solaire
Si vous avez déjà vécu une discussion fortuite qui s’est orientée sur le sujet du renouvelable, vous avez forcément entendu cette phrase de la part d’un ou d’une sceptique : “non, mais y a des terres rares, c’est pas vraiment écologique”.
Et bien… Il n’y a que certains panneaux dits “à couches minces” qui peuvent éventuellement contenir des métaux rares. La bonne nouvelle c’est qu’étant moins performants que les panneaux type PERC, Bi-Face ou N-type, ils sont littéralement voués à disparaître.
L’essentiel des autres panneaux se composent de verre, de silicium, des conducteurs (alu, cuivre…), de l’aluminium pour le cadre et une courte part de plastiques recyclables (nous y reviendrons).
Pour info, le silicium est le second élément le plus abondant dans la croûte terrestre - donc on est larges.
Panneau Chinois = Panneau surcarbonné ?
Deuxième turbo-cliché qui a la vie dure : un panneau solaire fait en Chine aurait un impact climatique destructeur.
Reprenons déjà les choses une par une.
Pourquoi l’essentiel des panneaux solaires sont-ils fait en Chine ? Parce que le gouvernement Chinois a mis en place une politique favorable à l’industrie du solaire pour tenter d’optimiser son mix énergétique.
En a résulté une fantastique structuration industrielle qui a permis d’arriver à des capacités de production inégalées et à un niveau de qualité équivalent, sinon supérieur, au reste de la concurrence internationale.
D’un point de vue écologique, les panneaux Chinois sont transportés jusqu’à nos côtes par bateau, ce qui minimise leur impact. On aurait tendance à penser qu’il vaudrait mieux s’orienter vers des panneaux made-in-France ? Et bien… Pas vraiment.
Car si le panneau est “fait en France”, ses composantes, cellules, verres, etc… sont bien acheminées par bateau depuis l’Asie. Pire, on se rend même compte en inspectant les données techniques que le silicium sera extrait en Norvège, raffiné en Allemagne, renvoyé en Norvège puis emmené en Chine pour être transformé en cellules, qui seront finalement assemblées en Alsace pour prendre le sigle Made in France. Écologiquement absurde.
Ce qu’il faut savoir, c’est que d’où qu’il vienne, un panneau verra sa dette carbone remboursée en maximum 3 années d’utilisation. Donc de ce point de vue là, vous n’avez pas à vous soucier de la provenance de votre panneau.
Comment peut-on recycler des panneaux solaires ?
Maintenant que tout ceci est posé, on se rend compte que pour l’essentiel, le recyclage d’un panneau photovoltaïque n’a rien d’insurmontable.
Un panneau est à vrai dire même valorisable à 94%.
Le principal défi auquel font face les entreprises de recyclage se résume au leur démontage et à la séparation des divers composants du panneau.
Suite à l'enlèvement du châssis, une procédure thermique est mise en œuvre afin de liquéfier les matières plastiques et de libérer le verre et les cellules qui sont par la suite soumises à un traitement chimique pour récupérer le silicium.
Après le tri, des composants tels que le verre et l'aluminium peuvent être recyclés sans fin à l'aide de méthodes bien établies dans les industries de recyclage conventionnelles, tandis que le silicium peut être recyclé et réemployé jusqu'à quatre reprises : il est transformé en plaquettes qui, si elles ont été préservées dans leur intégrité, sont utilisées directement pour la production de nouvelles cellules, ou alors fondues et incorporées dans le processus de production des lingots de silicium.
Quant au plastique, il est soit refondu, soit incinéré pour produire de l'électricité. D'autres composants, tels que le cuivre et l'argent, sont présents en petite quantité et nécessitent une procédure de traitement spécifique, pour être ensuite réutilisés.
Recyclage des onduleurs solaires : une problématique bien moins médiatique
Comme souvent dans le domaine du solaire, les panneaux prennent toute la lumière. Mais derrière, l’autre élément clé de votre installation, c’est évidemment votre onduleur solaire - ou vos micro-onduleurs.
C’est un sujet dont on a parlé en long et en large, on vous laisse aller lire cet article cadre pour vous acclimater au rôle de ce qui est, en vérité, la cheville ouvrière de votre système.
Bien qu'ils soient inclus dans la catégorie des Équipements Électriques et Électroniques (EEE) dont le cadre de valorisation est bien borné et qu'ils soient collectés par l'organisation PV CYCLE, leur recyclage n'est pas une tâche aisée.
En raison de leur complexité, ils contiennent une variété de composants dont certains sont toxiques et classifiés comme des déchets ultimes - dont on ne peut strictement rien faire, et qui seront incinérés ou enfouis. De ce point de vue là, ils n’ont rien à envier au matériel informatique.
Le processus de recyclage nécessite donc une déconstruction minutieuse des onduleurs et une séparation soigneuse de leurs composants non valorisables pour une élimination appropriée.
Malgré ces défis, il convient de noter que les onduleurs ne représentent qu'une petite proportion de la masse totale des déchets générés par les installations photovoltaïques, mais leur gestion appropriée est cruciale pour minimiser l'impact environnemental des systèmes d'énergie solaire. Veillez à ne pas oublier de les déposer dans les points de collecte adéquat.
Recyclage des batteries : un champ de développement
S’il est acquis qu’à ce stade du championnat, le marché des batteries n’est pas encore rentable, il en va de même pour leur recyclage. C’est un territoire en développement, une filière jeune qui n’est pas aidée par la multiplication des technologies.
Intéressons-nous particulièrement aux batteries Lithium-Ion, que l’on retrouve beaucoup dans le solaire et dans les véhicules électriques.
Le recyclage des batteries lithium-ion (BLI) représente un défi majeur en raison de leur nature hautement dangereuse, exigeant une manipulation extrêmement prudente. Ces batteries renferment une puissance électrique résiduelle qui peut déclencher des incendies ou des explosions.
De plus, leur électrolyte a la capacité de réagir rapidement avec l'eau, produisant ainsi des gaz toxiques tels que le fluorure d'hydrogène. Une autre source de préoccupation réside dans la réaction du lithium présent sur l'anode avec l'eau, générant de l'hydrogène et de l'hydroxyde de lithium, deux composés aux propriétés caustiques puissantes.
Enfin, il convient de noter que la présence de métaux tels que le cobalt, le nickel et le manganèse dans ces batteries peut entraîner une pollution très grave de l'eau et du sol. Par conséquent, le recyclage de ces batteries nécessite des procédures rigoureuses et des mesures de sécurité adaptées afin de minimiser les risques pour l'environnement et la santé publique.
D’une batterie à l’autre, les propriétés peuvent varier, et avec elles le processus de recyclage. Il est ainsi crucial d'effectuer un gros travail d’identification et de tri en amont du recyclage. Cependant, voici les grandes lignes de ce qui attend votre module de stockage quand vous confierez celui-ci aux mains expertes des usines de recyclage.
Comment recycle-t-on les batteries au Lithium ?
Il y a d'abord une étape dite de stabilisation : le pack de batterie est déchargé en utilisant une résistance ou une solution saline dédiée. L’idée de la vider de toute sa puissance résiduelle et de pouvoir passer au démontage.
Vient ensuite le “pré-traitement”. Cette étape consiste à démonter le pack de batterie afin d'isoler les différents modules. Ces modules peuvent ensuite être traités de deux manières distinctes :
D’abord, le démontage, pour récupérer les électrodes positives et isoler et extraire le matériau actif. Ce processus implique également un traitement thermique à une température de 60-100°C pendant 3 heures, suivi d'une ultrasonication (l’usage intensif d’ultrasons) pendant une grosse heure.
Suit ensuite le broyage et le déchiquetage des modules sous atmosphère inerte ou sous des jets d'eau selon le procédé employé. Une fois broyés, les différents matériaux peuvent être séparés physiquement en fonction de leurs propriétés telles que la taille des particules, la densité, le ferromagnétisme et l'hydrophobicité. Cette étape conduit à l'obtention d'une masse noire, également appelée "black mass," qui contient le carbone hydrophobe et les oxydes de métaux hydrophiles.
Là, on rentre dans le dur, avec la partie Hydrométallurgie. Au cours de cette phase, les métaux contenus dans la "black mass" sont dissous par un solvant, principalement en utilisant des solutions acides. Ensuite, chacun des différents métaux est isolé par différentes méthodes
Une approche de recherche prometteuse consiste également en une dissolution sélective des métaux par des micro-organismes.
Les sels de métaux récupérés peuvent être réutilisés pour synthétiser de nouveaux matériaux actifs, ce qui permet un recyclage complet.
Pour finir de traiter les derniers éléments, on attaque enfin la Pyrométallurgie. Ici, les modules de batterie entiers sont introduits directement dans un four disposant de 3 zones distinctes, du préchauffage - pour évaporer les solvants - aux 700°C de pyrolyse pour incinérer les plastiques et autres électrolytes jusqu’à la zone de fonte, où les différents éléments sont récupérés pour être réutilisés.
Comme vous le voyez, c’est un processus excessivement complexe - littéralement une usine à gaz, à vrai dire.
Recyclage d’une installation solaire : que faut-il retenir ?
S’il y a une chose qu’il faut retenir de tout ceci, c’est que la maturité d’une technologie va favoriser sa recyclabilité. Les panneaux photovoltaïques sont dans une phase “mature” de leur évolution - il y aura toujours des avancées, mais le format est suffisamment homogène à travers l’industrie pour qu’une filière stable puisse se mettre en place.
Les onduleurs eux, rentrent dans le registre du matériel électronique au sens large. Ainsi, ils seront globalement traités de la même manière qu’un ordinateur - avec les mêmes faiblesses, mais à l’échelle de leur usage, la quantité de déchets ultimes reste mesurée.
De ce point de vue, les batteries sont victimes de l’explosion du marché : à travers la simple catégorie des batteries Lithium-Ion, on trouve de nombreuses variétés de technologies différentes. Plus que le défi technique, ce sont les spécificités de chaque modèle qui compliquent les choses, nécessitant des prises en charge adaptées. Pas tout à fait la meilleure configuration pour l’émergence d’une filière hyper performante.
Mais nul doute qu’avec l’émergence attendue de batteries solaires rentables viendra une standardisation suffisante des modèles pour offrir de vrais schéma de recyclages ultra performants.
Enfin, tout ceci reste conditionné à l’action des consommateurs : si vous lancez votre batterie, onduleur ou votre panneau à même la rue, aucune chance que celui-ci soit pris en main. Pire, vous êtes littéralement en train de polluer l’environnement immédiat de votre foyer.
Heureusement, les points de collectes sont bornés :
- Par Soren pour vos panneaux,
- Par Ecosystem pour vos onduleurs
- Par l’état pour vos batteries
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